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Jacques Paquin : un curé querelleur

À l’occasion des commémorations entourant le 175e anniversaire de décès du curé Jacques Paquin, Anthony M. Lafontaine, historien et chargé de projet, vous propose cinq textes pour en apprendre davantage sur ce drôle de personnage qui a marqué l’histoire eustachoise de plus d’une façon.

Cette série d’articles a été réalisée grâce au soutien financier du gouvernement du Québec, de la Ville de Saint-Eustache et de Desjardins Caisse de Saint-Eustache – Deux-Montagnes.
 

Personne à Saint-Eustache ne peut nier le dévouement du curé Jacques Paquin : il aide financièrement ses paroissiens avec son propre argent, participe à l’établissement d’une dizaine d’écoles, se montre toujours disponible pour baptiser, communier ou célébrer des obsèques. Lors d’une journée normale, le prêtre travaille entre seize et dix-huit heures. Ce travail acharné lui vaut le respect de la majorité des fidèles. Cependant, pratiquement tous ceux qui ont des liens avec Jacques Paquin critiquent sa personnalité difficile et son tempérament souvent violent.

Jacques Paquin en 1814. (Archives du Séminaire de Nicolet)

Dès son arrivée à Saint-Eustache en 1821, le prêtre se met à dos deux des personnages les plus influents de la région, c’est-à-dire le seigneur Eustache-Nicolas Lambert-Dumont et le coseigneur Pierre Laviolette. En effet, sans les nommer directement durant son sermon, il dénonce avec force ceux qui « se livrent à la débauche et à l’ivrognerie » lors de fêtes exagérément coûteuses où les jeunes femmes « sont à nu ». Comme cette sortie en chaire survient tout juste après une soirée donnée par les deux hommes, ceux-ci se savent visés et se plaignent immédiatement à l’évêque de Québec, Mgr Joseph-Octave Plessis. Le coseigneur Laviolette songe même à poursuivre Paquin en justice ! Mgr Plessis parvient finalement à calmer les esprits.

Mgr Joseph-Octave Plessis. (Musée national des beaux-arts du Québec)

Jacques Paquin n’est pas plus tendre envers ceux avec qui il travaille au quotidien. En effet, nombreux sont les vicaires qui dénoncent son tempérament sanguin et ses accès de colère. Le premier est l’abbé Jean-François-Xavier Baillargé. Arrivé à Saint-Eustache en 1823, il est rapidement accusé par Paquin d’être paresseux et de faire semblant d’être malade pour éviter de s’acquitter de ses devoirs. Le temps passe, mais le prêtre ne lâche pas le morceau : il fait examiner le vicaire par deux médecins, dont le Dr Jacques Labrie, pour prouver qu’il feint sa maladie. Au dire de Paquin, même les parents de Baillargé considèrent qu’il doit être discipliné. Le vicaire est finalement transféré à une autre paroisse, mais son remplaçant, Antoine Fisette, n’est pas plus apprécié par le curé Paquin. Ce dernier affirme que Fisette lui a volé un livre et menace de lui « casser la figure », poing fermé et levé. Il le traite aussi de « Sacré Pendure, de Sacré Coquin, de Sacré Polison [sic] », des termes très insultants à l’époque… Paquin rencontre le même genre de problème avec tous ses vicaires : au total, treize d’entre eux défilent à Saint-Eustache en vingt-six ans!

Le docteur Jacques Labrie, date inconnue. (Bibliothèque et Archives nationales du Québec)

On aurait tort de croire que le prêtre de Saint-Eustache ne s’en prend qu’à plus faible que lui au sein du clergé. Dans une lettre à Paquin, l’évêque de Montréal, Jean-Jacques Lartigue, affirme ne pas être étonné de ses nombreux conflits personnels : « Je ne suis pas surpris que vous maltraitiez vos vicaires quand je vois que vous me maltraitez moi-même dans votre lettre ». Le curé eustachois est en effet très souvent irrévérencieux à l’endroit de ses supérieurs et il admet ouvertement ne pas aimer leur rendre des comptes.

Mgr Jean-Jacques Lartigue. (Bibliothèque et Archives nationales du Québec)

En plus des évêques, de ses ouailles et de ses vicaires, le curé Paquin entre en conflit direct avec les prêtres des régions voisines. Afin d’accroître les revenus de la fabrique de Saint-Eustache, il multiplie les démarches auprès des évêques pour obtenir le rattachement à sa paroisse de secteurs des paroisses voisines, ce qui irrite évidemment les curés concernés. C’est notamment le cas du prêtre de Saint-Benoît, Jean-Baptiste Giroux, qui accuse Paquin de vouloir le « faire crever de faim » en lui retirant des fidèles. Le curé de Sainte-Thérèse, Charles-Joseph Ducharme, est quant à lui un adversaire de taille : il parvient presque à soulever les Eustachois contre les projets de construction de l’église et du couvent, ce qui pousse le curé Paquin à lui donner le surnom peu flatteur de « Python de Sainte-Thérèse ».

Le prêtre Charles-Joseph Ducharme. (Bibliothèque et Archives nationales du Québec)

Ainsi, le tempérament bouillant de Jacques Paquin est à la fois un atout majeur en ce qui concerne ses grands projets et un obstacle important dans ses relations interpersonnelles où il franchit souvent la ligne du manque de respect. Son entêtement parfois maladif, souvent utile dans la défense de la paroisse et de ses idées, lui vaut aussi plusieurs ennemis au cours de sa vie et ceux-ci parviennent à lui porter des coups.

À venir : un article sur les ambitions d’historien de Jacques Paquin!

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

BAILLARGÉ, G.F. « L’ABBÉ JEAN-FRANÇOIS-XAVIER BAILLARGÉ », Bulletin des recherches historiques, vol. 17, no. 1, (novembre 1911) : 321-324.

CHABOT, Richard. « PAQUIN, JACQUES », Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003.

Correspondance du curé Jacques Paquin, Archives de l’évêché de Saint-Jérôme, Paroisse de Saint-Eustache, 1821-1847.

GRIGNON, Claude-Henri. « La Vie et l’Œuvre du curé Paquin », Cahiers d’histoire de Deux-Montagnes (été 1978) : 61–82.

GRIGNON, Claude-Henri. « Un curé au temps des Patriotes », La Revue des Deux Montagnes, vol. 5 (1996) : 67-96.

LEMIRE, Jonathan. L’église de Saint-Eustache : Une histoire mythique, tragique et symphonique, 2013.

RODRIGUE, Louis-Joseph. « Messire Jacques Paquin, curé de Saint-Eustache de la Rivière-du-Chêne (1821-1847) », Société canadienne d’histoire de l’Église catholique, vol. 31 (1964) : 73-83.

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