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Jean-Joseph Girouard : le « Père des pauvres »

Du 22 mai au 6 novembre 2023, l’historien Jonathan Lemire, commissaire de l’exposition Visages des rébellions – Jean-Joseph Girouard, patriote portraitiste (1794-1855), vous propose à chaque semaine une chronique dans laquelle il explore plus en détail un aspect de la vie, de la carrière ou de l’œuvre du notaire et député patriote Jean-Joseph Girouard. 

Le vénérable notaire de Saint-Benoît a toujours eu à cœur le bien commun, le bien-être de sa communauté. Reconnu pour son altruisme, sa bienveillance, sa générosité, sa bonté, bref son humanité, Girouard nourrit rapidement le projet de fonder un hospice dans le but de venir en aide aux plus démunis, aux personnes âgées et à l’éducation des jeunes filles. Pour ce faire, il doit s’adjoindre les qualités morales de la fille de son proche ami Joseph-Amable Berthelot, Émélie Berthelot, de qui il a développé un attachement sincère.

Dans une lettre à son endroit, datée du 31 mars 1851, il l’implore en ces termes : « Il n’y a que toi au monde avec qui je puisse m’entendre pour mettre ce projet à exécution. Je veux que tu sois la fondatrice et la directrice en la manière que tu l’entendras. Et Dieu aidant, j’espère que nous réussirons. Car ce ne sont point ici de vains projets et j’ai la plus grande confiance dans la réalisation des résolutions qu’il a lui-même inspirées. Consens donc ma bonne amie, à travailler avec au soulagement spirituel et temporel de nos semblables. » Le jeune femme accepta et après avoir unit leur destiné, le couple fonda leur petite famille et mettra en branle leur vaste projet commun.

Après avoir reçu un montant relativement appréciable de la Commission des pertes en janvier 1854 (quoi que beaucoup moindre que sa réclamation initiale) suite aux dommages subis à ses propriétés durant la rébellion de 1837, il décide d’investir le tout dans la construction de son hospice projeté. Girouard demande aussitôt à Mgr Ignace Bourget, évêque du diocèse de Montréal, la permission d’établir son établissement de charité. Après moultes discussions pour l’achat d’un terrain adéquat pour l’édification de son institution, il entrevoit finalement un lopin de terre situé à côté de l’église du village, alors propriété de son ex-belle-sœur, Marie-Victoire Félix.

Plan réalisé de la main de Jean-Joseph Girouard, vers 1854. (Dessin tiré de Béatrice CHASSÉ, Le notaire Girouard, patriote et rebelle, thèse d’histoire présentée à l’école des gradués de l’Université Laval, pour obtenir le doctorat es lettres (Histoire), 1974, p. 603.)

Issu d’une famille d’artistes, de dessinateurs et d’architectes, Girouard s’affère à dessiner lui-même les plans de son hospice. Par ailleurs, engageant les différents corps de métiers nécessaires à sa construction, il dirige aussi personnellement l’avancée des travaux. Il planche aussi sur la réalisation de plusieurs croquis et plans dans l’élaboration de la décoration intérieure, notamment pour la chapelle pour laquelle il peint et orne lui-même le maître autel, ainsi que le tabernacle et les gradins.

Ce sont les Sœurs Grises de Montréal qui sont choisies par Girouard afin d’occuper les lieux. Malgré des craintes soutenues relativement à l’aspect éloigné de la nouvelle institution, elles acceptent et entérinent le projet le 15 septembre 1854. L’institution est appelée hospice d’Youville et son bâtiment principal, à deux étages, mesure 80 pieds de longueur par 40 pieds de profondeur, avec une chapelle qui mesure quant à elle 20 pieds par 15 pieds. L’ami de Girouard, Louis-Hippolyte La Fontaine (et son épouse), fait pour sa part le don d’une somptueuse reproduction d’une toile de Raphaël achetée à Rome lors d’un voyage l’année précédente. Elle aura une place de choix au-dessus de l’autel.

Au niveau financier, les seigneurs de l’endroit (les Sulpiciens de la Mission du lac des Deux-Montagnes) les déchargent des cens et rente en autant que le bâtiment sert toujours « au soulagement des pauvres, des malades et des infirmes, et pour l’éducation religieuse et l’instruction élémentaire des jeunes filles de la paroisse de Saint-Benoît », selon le Conseil général des Sœurs Grises (15 septembre 1854).

Hospice d’Youville, vers 1910-1915. (Collection Marc-Gabriel Vallières, carte postale anonyme.)

La veille de l’arrivée des Sœurs Grises à Saint-Benoît, le 4 novembre 1854, leurs hôtes s’affèrent ardemment à garnir les garde-manger du réfectoire. Au matin du 5 novembre, une délégation en provenance de Saint-Benoît se rend à Montréal afin d’escorter la congrégation jusqu’au village. Les cloches de l’église se font alors entendre et une foule impressionnante se presse pour accueillir les dames. Quatre jours plus tard, en l’absence de Mgr Bourget, c’est Mgr Larocque qui a l’honneur de bénir le nouvel hospice d’Youville.

Le rêve de Jean-Joseph Girouard et d’Émélie Berthelot devenait enfin réalité. Leur fierté était à son comble après tant de zèle. Dès le soir venu, l’institution accueillait ses premiers pensionnaires et dans les jours suivants ses premières étudiantes.

En mai 1855, c’est nul autre que le grand tribun Louis-Joseph Papineau qui vient constater par lui-même le succès de l’entreprise de son ami qu’il félicite chaleureusement. Une fois cet immense projet terminé, la santé du notaire va péricliter. Le « Père des pauvres », comme plusieurs personnes de la région le surnomment, meurt vraisemblablement d’une tuberculose pulmonaire le 18 septembre 1855 à Saint-Benoît. Il est inhumé dans la chapelle qu’il a lui-même fondée.                 

Hospice d’Youville, vers 1957. (L'Album des Deux-Montagnes : publié à l'occasion du cinquantième anniversaire de la représentation du comté des Deux-Montagnes au parlement provincial par les Honorables Arthur et Paul Sauvé : l'Honorable Arthur Sauvé, 1908-1930, l'Honorable Paul Sauvé, 1930-1958, Saint-Eustache, 1958, p. 47.)

Pour en savoir plus sur Jean-Joseph Girouard et l’hospice qu’il a fondé, visitez l’exposition temporaire Visages des rébellions – Jean-Joseph Girouard, patriote portraitiste (1794-1855), présentée à l’Espace muséal du manoir Globensky du 18 mai au 12 novembre 2023.

Qui a écrit cet article?

Historien, auteur, généalogiste et conférencier spécialisé dans l’histoire du Québec au 19e siècle, particulièrement sur les rébellions de 1837-1838 dans le comté des Deux-Montagnes, Jonathan Lemire est diplômé en histoire à l’Université de Montréal (2001). 

Il est depuis plusieurs années chercheur et commissaire sur plusieurs expositions permanentes et temporaires en lien avec l’histoire insurrectionnelle. Il est l’auteur de cinq ouvrages : Jacques Labrie. Écrits et correspondance (Septentrion, 2009), Portraits de patriotes, 1837-1838 – Œuvres de Jean-Joseph Girouard (VLB éditeur, 2012), L’église de Saint-Eustache : une histoire mythique, patriotique et symphonique (Ville de Saint-Eustache, 2013), Ludger Duvernay, Lettres d’exil, 1837-1842 (VLB éditeur, 2015), L’OSM en concert à l’église de Saint-Eustache. 235 ans d’histoire et l’avenir devant nous (Fondation église historique de Saint-Eustache, 2018). 

Pour son implication et ses nombreux travaux en histoire, il fut honoré de la Médaille de l’Assemblée nationale en 2013. 

Il est finalement commissaire, coordonnateur, chercheur et rédacteur dans le cadre de l’exposition temporaire Visages des rébellions – Jean-Joseph Girouard, patriote portraitiste (1794-1855), réalisée par la Maison nationale des patriotes et présentée à l’Espace muséal du manoir Globensky du 18 mai au 12 novembre 2023.

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