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La Société de la pipe et du calumet

Du 22 mai au 6 novembre 2023, l’historien Jonathan Lemire, commissaire de l’exposition Visages des rébellions – Jean-Joseph Girouard, patriote portraitiste (1794-1855), vous propose à chaque semaine une chronique dans laquelle il explore plus en détail un aspect de la vie, de la carrière ou de l’œuvre du notaire et député patriote Jean-Joseph Girouard. 

La fameuse et historique maison blanche, sise au centre du village bucolique de Saint-Benoît, a longtemps été le centre d’attraction dans la région. Son propriétaire, le notaire et chef patriote Jean-Joseph Girouard, y réside de 1816 jusqu’à son décès en 1845.

Tout au long de sa vie, Girouard y tient un nombre incalculable de soirées mondaines réunissant, ici et là, les membres de la famille de Jean-Baptiste Dumouchel, les frères Luc-Hyacinthe et Damien Masson, les Raizenne, les Lemaire, les Félix, les Barcelo, mais aussi ses amis de la rivière du Chêne que sont les Labrie, Berthelot et bien d’autres. À l’occasion de ses fréquents passages en direction ou au retour de sa seigneurie de la Petite-Nation, le grand tribun Louis-Joseph Papineau y fait escale pour y partager un bon repas et pour y passer la nuit.

Les soirées sont fécondes dans la grande maison de la rue Saint-Jean-Baptiste. Le notaire lui-même y fait habituellement la lecture publique de La Minerve, principal journal patriote au pays et édité à Montréal par Ludger Duvernay. Puis, l’hôte invitait ses convives à participer à une discussion animée sur l’actualité provinciale. Selon Béatrice Chassé, auteure d’une vaste thèse de doctorat sur la vie du chef patriote, « Girouard répondait aux questions qu’on lui posait et expliquait au besoin les difficiles problèmes souvent au-dessus de la compréhension des braves campagnards ».

La Minerve, 10 juillet 1837.

Lorsque le groupe ne commentait les nouvelles du moment, il s’affairait à se raconter des histoires, rire et à entonner quelques chansons en cœur. Il faut savoir que les Girouard, Félix et Dumouchel étaient d’énergiques chanteurs. Girouard lui-même composait, çà et là, quelques poèmes et ritournelles pour ces moments de détente.

Quelque temps avant les troubles insurrectionnels de 1837, il est créée à Saint-Benoît, à l’initiative du notaire de l’endroit, la « société de la pipe et du calumet ». Le groupe était « dirigé » par les Girouard, Dumouchel et Masson et « avait pour but de distraire les villageois tout en les intéressant à la politique de leur pays » (Chassé). Au dire de Chassé, « Pour être admis dans la joyeuse société, le nouvel aspirant devait faire la preuve de sa capacité à fumer le calumet devant les anciens réunis autour de lui. Sa capacité ayant été jugée suffisante, le président le déclarait : Dignus est intrare in nostro fumante corpore » tiré du latin qui signifie : Il est digne d’entrer dans notre groupe de fumeur. « Le nouvel élu faisait alors un discours de circonstance où il vantait les qualités du tabac sous toutes ses formes : dans la pipe, dans le calumet ou en chique ».

Entête de La Minerve, 3 avril 1837.

C’est Mme Jeanne Girouard-Décarie, petite-fille du patriote, qui a transmis cette histoire à Mme Chassé dans l’élaboration de sa thèse. Dans une entrevue donnée le 24 mai 1970, elle lui révéla que ledit calumet utilisé par son grand-père était en sa possession (à l’époque). Le magnifique calumet était tout de bois sculpté de ses mains et mesurait un pied et demi de longueur.

Cette petite anecdote n’est pas sans rappeler l’histoire provenant de Jacques Viger, premier maire de Montréal et célèbre collectionneur et mémorialiste, que nous avons jadis relatée dans une ancienne chronique publiée dans l’hebdomadaire L’Éveil au début des années 2000, à savoir qu’il existait aussi un « Comité de la pipe » parmi les membres de la Chambres d’assemblée à Québec. Ces messieurs s’étaient appropriés un appartement particulier de la maison du parlement pour y brûler leur tabac, quand le désir leur en venait.

Détails d’un vitrail à l’effigie de Ludger Duvernay. (Société Saint-Jean-Baptiste, Montréal.)

Pour en savoir plus sur Jean-Joseph Girouard, visitez l’exposition temporaire Visages des rébellions – Jean-Joseph Girouard, patriote portraitiste (1794-1855), présentée à l’Espace muséal du manoir Globensky du 18 mai au 12 novembre 2023.

Qui a écrit cet article?

Historien, auteur, généalogiste et conférencier spécialisé dans l’histoire du Québec au 19e siècle, particulièrement sur les rébellions de 1837-1838 dans le comté des Deux-Montagnes, Jonathan Lemire est diplômé en histoire à l’Université de Montréal (2001). 

Il est depuis plusieurs années chercheur et commissaire sur plusieurs expositions permanentes et temporaires en lien avec l’histoire insurrectionnelle. Il est l’auteur de cinq ouvrages : Jacques Labrie. Écrits et correspondance (Septentrion, 2009), Portraits de patriotes, 1837-1838 – Œuvres de Jean-Joseph Girouard (VLB éditeur, 2012), L’église de Saint-Eustache : une histoire mythique, patriotique et symphonique (Ville de Saint-Eustache, 2013), Ludger Duvernay, Lettres d’exil, 1837-1842 (VLB éditeur, 2015), L’OSM en concert à l’église de Saint-Eustache. 235 ans d’histoire et l’avenir devant nous (Fondation église historique de Saint-Eustache, 2018). 

Pour son implication et ses nombreux travaux en histoire, il fut honoré de la Médaille de l’Assemblée nationale en 2013. 

Il est finalement commissaire, coordonnateur, chercheur et rédacteur dans le cadre de l’exposition temporaire Visages des rébellions – Jean-Joseph Girouard, patriote portraitiste (1794-1855), réalisée par la Maison nationale des patriotes et présentée à l’Espace muséal du manoir Globensky du 18 mai au 12 novembre 2023.

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