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Le curé Paquin, un fumeur invétéré

À l’occasion des commémorations entourant le 175e anniversaire de décès du curé Jacques Paquin, Anthony M. Lafontaine, historien et chargé de projet, vous propose cinq textes pour en apprendre davantage sur ce drôle de personnage qui a marqué l’histoire eustachoise de plus d’une façon.

Cette série d’articles a été réalisée grâce au soutien financier du gouvernement du Québec, de la Ville de Saint-Eustache et de Desjardins Caisse de Saint-Eustache – Deux-Montagnes.
 

Jacques Paquin est un homme très occupé : en plus de tous les devoirs dont il s’acquitte à titre de curé, de ses projets d’agrandissement de l’église et de construction de ce qui deviendra le couvent Notre-Dame, il est également à la tête de la commission scolaire du village et président de la Société d’Agriculture du comté des Deux-Montagnes. Il préside aussi plusieurs assemblées ecclésiastiques dont le but est de lutter contre les discours et les idées des patriotes. Cumulant les journées de travail de plus de 16 heures, il n’est pas difficile d’imaginer que le prêtre n’a pratiquement aucun temps à consacrer à son propre bien-être ou à de quelconques loisirs. Il se permet cependant une pratique très populaire auprès des hommes de son époque : fumer la pipe.

Robert Harris, Man Smoking a Pipe, 1892. (Musée McCord)

Il est connu à Saint-Eustache que Jacques Paquin est un « fumeur enragé ». Il ne se sépare jamais de son « camarade fumeur », une pipe en plâtre qu’il affectionne grandement. Paquin aime tant fumer que le bedeau, un laïc chargé de l’entretien de l’église, l’attend après chaque messe pour lui tendre sa pipe et un charbon ardent. Aucun trajet entre l’église et la résidence du prêtre ne se fait sans qu’il ne laisse échapper de grands nuages de fumée qui couvrent parfois entièrement sa tête, ce qui amène le seigneur Charles-Auguste-Maximilien Globensky à lui donner le surnom de « locomotive vivante »!

Pipe en terre cuite fine argileuse du début du 19e siècle. (Pointe-à-Callière, Cité d'archéologie et d'histoire de Montréal, Hendrik Van Gijseghem 2018 - Creative Commons 4.0 (by-nc-nd))

Si elles peuvent nous paraître amusantes, ces habitudes de fumeur déplaisent à l’évêque de Montréal, Mgr Ignace Bourget. Alors qu’il visite la paroisse de Saint-Eustache, il adresse des reproches à Paquin à ce sujet. On ne sait pas exactement ce qu’il dit au prêtre, mais ce dernier fait mention de cette réprimande dans une de ses lettres à l’évêque : « Ma pipe, ma pauvre pipe est constamment cachés [sic] depuis l’observation qu’a fait [sic] Votre Grandeur dans la visite [sic] ». Au printemps 1846, la pipe de Paquin lui cause à nouveau des ennuis alors que Mgr Bourget lui expose une plainte faite à son endroit : le curé est accusé de fumer alors qu’il se rend auprès des malades de sa paroisse. Il s’en défend dans des termes forts : « Mais je fume en portant le Bon Dieu…!!! Certes cette accusation est aussi bête qu’elle est invraisemblable! Pourquoi donc me la jeter à la face? Suis-je fou pour me compromettre de la sorte? Pour fronder l’opinion publique et me déshonorer si stupidement ». Impossible de savoir si des mesures disciplinaires sont prises contre le prêtre eustachois. Il n’en demeure pas moins qu’il apparaît bouleversé par l’accusation.

L'évêque de Montréal, Mgr Ignace Bourget, vers 1875. (Bibliothèque et Archives nationales du Québec)

D’après ce qui est connu du curé Paquin, on ne peut pas se surprendre qu’une ou plusieurs personnes aient cherché à salir ainsi sa réputation. C’est que Paquin se fait de très nombreux ennemis durant sa vie en raison de son tempérament sanguin : les vicaires avec qui il travaille, les prêtres des paroisses voisines avec lesquels il se chicane fréquemment, certains de ses paroissiens, etc. N’importe lequel de ses ennemis a pu concocter cette vilaine rumeur. Comme elle contient une part de vérité, en ce sens que Paquin ne se sépare jamais de sa pipe, la faire circuler est chose facile et le coup est efficace.

Le presbytère de Saint-Eustache, date inconnue. (Ville de Saint-Eustache. Service des archives. Fonds Beauchamp.)

Le prêtre de Saint-Eustache est victime de plusieurs autres attaques personnelles au fil des ans. En mars 1834, par exemple, un ancien vicaire l’accuse de vivre avec des femmes, ce qui contrevient à la promesse de célibat faite par Paquin. Encore une fois, Paquin proteste contre les accusations : « Prenant la liberté de vous observer [sic] qu’à part la visite de mes parents ce qui peut arriver une fois dans l’année, il ne couche d’autres femmes dans le bas de ma maison que ma bonne mère âgée de 70 ans et sans doute bien incapable de scandaliser un vicaire ». S’il reconnaît héberger parfois deux femmes de 40 et 80 ans dans les mansardes, le prêtre s’assure de produire un plan pour montrer qu’elles occupent une section du presbytère séparée de sa chambre. En mai 1845, il est de nouveau la cible d’une plainte, cette fois de quelqu’un l’accusant d’avoir délibérément célébré le mariage d’une femme qui était déjà mariée. Il parvient là aussi à prouver que l’accusation est infondée, mais montre des signes évidents d’irritation dans la lettre à l’évêque Bourget : « Soyez en garde contre ces plats gueux, êtres vénéneux qui salissent de leur bave des hommes qui font ce qu’ils peuvent pour accomplir leur part du devoir. Rien n’est plus ennuyeux, plus dangereux que ces rapporteurs dans la société ».

Plan du presbytère de Saint-Eustache dessiné par Jacques Paquin pour répondre aux accusations portées contre lui. (Correspondance de Jacques Paquin, 21 mars 1834.)

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

CHARLAND, Thomas-Marie, O.P.. Les ‘’’Mémoires sur l’Église du Canada’’ de l’abbé Jacques Paquin, Rapport, revue de la Société Canadienne d’histoire de l’Église catholique, 1934-1935

GLOBENSKY, Charles-Auguste-Maximilien. La Rébellion de 1837 à Saint-Eustache : précédé d’un exposé de la situation politique du Bas-Canada depuis la cession (Québec : 1883).

GRIGNON, Claude-Henri. « La Vie et l’Œuvre du curé Paquin », Cahiers d’histoire de Deux-Montagnes (été 1978) : 61–82.

RODRIGUE, Louis-Joseph. « Messire Jacques Paquin, curé de Saint-Eustache de la Rivière-du-Chêne (1821-1847) », Société canadienne d’histoire de l’Église catholique, vol. 31 (1964) : 73-83.

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